Théâtre de Caen, 7 mai 2023 —— Alain Lambert

Un week-end Orchestre régional de Normandie avec Brecht et Leprest

Orchestre régional de Normandie, Leprest en symphonique. Photographie © Francis Bellamy.

L’Orchestre Régional de Normandie continue de fêter ses 40 bougies dans les différents lieux où il se produit, le mois dernier au conservatoire de Caen et à la Renaissance de Mondeville, et ce week-end, pendant l’animation Tous à l’opéra, au théâtre de Caen pour un hommage quadrivocal à Allain Leprest, et la veille, la Maîtrise de Caen avec un mini opéra de Brecht. On imagine mal le déficit brutal que la fusion toujours prévue de l’ORN avec celui de l’opéra naufragé de Rouen aura comme conséquences sur la programmation de ces lieux, et d’autres dans la région. Et on attend la prochaine réunion prévue bientôt.

Dimanche Leprest en symphonique, une reprise d’un programme de l’Orchestre National des Pays de Loire, ce qui explique l’absence de certaines chansons plus régionales d’Allain Leprest comme Le Cotentin ou Rouen, ses deux lieux d’enfance… Avec Romain Didier, son compagnon de route, au piano, au chant, aux arrangements et souvent aux musiques, accompagné de Clarika, Enzo-Enzo et Cyril Mokaiesh au chant et Dylan Corlay à la baguette. Un petit bémol d’abord, ce n’est pas l’ingé-son du théâtre aux manettes, qui connait bien l’équilibre entre orchestre et voix, mais celui venu avec les chanteurs, et avec une tendance à mettre l’orchestre ou le piano trop fort, même s’il a un peu rectifié après le deuxième titre, quasi inaudible.

Sinon pour le reste, on frise la perfection, les quatre voix sonnent juste et se complètent joliment, nous emmenant et nous guidant dans l’univers engagé et désespéré du poète, suicidé en 2011, malade du malheur du monde. Les arrangements sont réussis, les musiciens excellents, et on a presque l’impression d’une comédie musicale sobre, mélancolique et vivifiante, à cent lieues de celles, clinquantes, à la mode aujourd’hui autour des grands noms de la chanson française. Un modèle et une réussite donc.

Maitrise de Caen, Celui qui dit oui/non. Photo théâtre de Caen.

La veille, Celui qui dit oui, celui qui dit non de Bertold Brecht, le spectacle annuel de la Maîtrise de Caen, dirigée par Olivier Opdebeeck, ici aussi chef d’orchestre de l’ORN. Cette pièce a la particularité d’avoir d’abord été créée en 1930 avec sa seule première partie, sur une musique de Kurt Weil. Mais comme Brecht avait déjà anticipé le principe du théâtre forum à venir, où le public intervient pour changer le cours de la pièce, il a tenu compte des remarques de son jeune public et réécrit une variante où seule la fin change. D’où une redite d’une bonne vingtaine de minutes. Et comme elle n’avait pas été mise en musique, l’ORN a demandé à Martin Matalon, bien connu ici depuis deux ans par sa participation au festival [aspects], d’en composer une.

Une expérience sans doute intéressante pour les jeunes chanteurs et leur chef, pour nous du point de vue strictement instrumental, avec beaucoup de percussions et une belle envolée de guitare électrique. Mais du point de vue du chant, proche de l’opéra expérimental, la redite en devient plus longue, pour nous pauvres spectateurs. Il aurait fallu, comme le faisait Brecht d’ailleurs adapter et simplifier…

Autrement, les voix, les musiciens, la direction d’orchestre, les lumières, la mise en scène de Dorian Rossel et Delphine Lanza, aérienne, graphique, sobre et intelligente pour éviter un chœur trop statique, étaient de grande tenue.

L’ORN sera de nouveau au théâtre de Caen le 8 juin pour un programme Britten dirigé par Jean Deroyer, mais avant le 20 mai à Coutances à Jazz sous les pommiers pour accompagner Kyle Eastwood sur les musiques de film de son père.

Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil, ☎ 06 06 61 73 41.

ISNN 2269-9910.

bouquetin

Mardi 9 Mai, 2023 14:00